AVS : Un premier pas vers une garantie du niveau actuel des rentes

Notre élément de sécurité sociale le plus important, l'AVS, doit être assaini de toute urgence. Depuis 1997, plusieurs tentatives de réforme ont échoué. Je suis très heureux d'avoir pu contribuer à ce que le Conseil des États remette la réforme de l'AVS sur de bons rails après un traitement en commission largement insatisfaisant.

Nous savons tous que les finances de l’AVS sont dans le rouge depuis des années. Jusqu'à présent, nous avons pu nous en sortir grâce aux rendements des investissements du fond AVS. Mais cela ne suffira plus. Depuis 2020, l'écart démographique se creuse de manière accélérée, ce qui est dangereux pour l'AVS : de plus en plus de personnes prennent leur retraite, tandis que de moins en moins de jeunes travailleurs arrivent sur le marché du travail. Si aucune mesure pour y remédier n'est prise, le déficit, qui s'accroît d'année en année, atteindra près de 5 millions de francs suisses en 2030. Seulement cinq ans plus tard, en 2035, ce déficit doublera encore pour atteindre environ 10 milliards de francs – par an !

L’harmonisation de l'âge de la retraite pour les femmes et les hommes à 65 ans est donc inévitable. Je suis convaincu que cet ajustement est opportun. Après tout, les femmes ne sont pas discriminées dans le système de l'AVS. Elles bénéficient de l'AVS durant quatre ans de plus que les hommes et, en moyenne, elles reçoivent même des prestations légèrement supérieures à celles des hommes, bien qu'elles cotisent sensiblement moins à l'AVS. Relever l'âge de la retraite des femmes est donc avant tout un acte d'équité.

Prévoir déjà la prochaine révision de la prévoyance vieillesse
Il est clair qu'en harmonisant l'âge de la retraite des femmes et des hommes à 65 ans, nous interférons dans la planification personnelle des femmes qui sont sur le point de prendre leur retraite. Il est donc juste que nous les soutenions avec des mesures compensatoires. D'une part, elles bénéficieraient de taux de réduction plus avantageux si elles souhaitent prendre une retraite anticipée – soit au moment où elles auraient pu le faire avant l’harmonisation de l’âge de la retraite. D’autre part, une majorité du Conseil des États veut soutenir financièrement les neuf premières cohortes de femmes qui continuent à travailler jusqu'au nouvel âge de la retraite. Elles devraient donc recevoir un supplément à la rente allant jusqu’à 150 francs par mois. Il s'agit, à première vue, d'une approche intéressante. Toutefois, ce modèle dit « en trapèze » est beaucoup trop complexe et crée des disparités de rentes difficilement justifiables entre les retraitées de la génération transitoire. Il serait judicieux de nous mettre d'accord sur une solution qui soit généreuse, socialement acceptable, ciblée, mais aussi facile à comprendre. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition demandant que les six premières années reçoivent 50 ou 150 francs, en fonction de leur niveau de revenu. Je souhaite ainsi améliorer la situation des femmes, en particulier celles qui se situent dans les tranches de revenus inférieures et qui ne perçoivent donc que de modestes rentes AVS. Les femmes qui n'ont aujourd'hui qu'une cinquantaine d'années auraient le temps de s'adapter dès maintenant à la nouvelle situation. Les mesures compensatoires pour les neuf cohortes, prévues par le Conseil des Etats, comportent un autre problème : elles nous amèneraient au-delà de 2030, ce qui compliquerait inutilement la prochaine révision du système de retraite, qui est déjà prévisible aujourd'hui. Il appartient maintenant au Conseil national d'y réfléchir et de proposer une solution adéquate.

Des jalons posés avec succès
Le Conseil des États a également suivi mes propositions minoritaires dans ses délibérations : l'idée d'augmenter le plafond pour les couples mariés de 150 à 155% a été retirée de la loi. Ce n'est pas parce que le Conseil des États ne soutenait pas l'idée d'une pension plus élevée pour les couples mariés, mais parce que les couples mariés ne sont, dans l’ensemble, pas discriminés dans l'AVS et qu'une augmentation des prestations n'est tout simplement pas possible actuellement. Par ailleurs, la hausse de la TVA sera de 0,3 % en une seule étape au lieu de 0,7 % en deux étapes comme le proposait la majorité. Cette augmentation est suffisante. Je suis très heureux d'avoir pu, de cette manière, contribuer à ce que le Conseil des États ait créé un projet de loi cohérent qui atteigne l'objectif qu'il s'est fixé : garantir le niveau actuel des rentes pour les prochaines années.

En fin de compte, la réforme de l'AVS devra être acceptée par le peuple. Il serait donc difficile d'expliquer aux gens que les couples mariés, qui sont généralement déjà mieux lotis financièrement, devraient bénéficier d'une augmentation des rentes. Dans l'AVS, par exemple, des prestations importantes telles que la rente de veuve, le supplément de veuvage et le privilège de cotisation pour les conjoints sans activité lucrative sont liés au statut d’époux. Selon les calculs du Conseil fédéral, les couples mariés s'en sortent effectivement mieux que les célibataires, à hauteur de 400 millions de francs par an. Bien sûr, j'aurais également souhaité aider les couples mariés à percevoir de meilleures rentes. Mais les finances de l’AVS ne nous permettent tout simplement pas de distribuer des cadeaux aujourd’hui. L’objectif de cette réforme est de faire un premier pas pour combler le déficit qui ne cesse de croître et ainsi préserver les rentes. C'est ce qui sert le mieux tout le monde, y compris les couples mariés.

Réformer le 2ème pilier est également nécessaire et urgent
J'espère que mes collègues du Conseil national progresseront rapidement et que nous pourrons nous attaquer dans les plus brefs délais à la prochaine révision majeure : celle du 2ème pilier, la prévoyance professionnelle. Parce qu'il y a, là aussi, un besoin d'action, notamment en ce qui concerne les rentes des femmes. Puisque les femmes travaillent souvent à temps partiel, leurs rentes du 2ème pilier sont nettement inférieures à celles des hommes. Il est également nécessaire d'agir en faveur des femmes et des hommes qui disposent d’un revenu plus modeste. En effet, en raison de la déduction de coordination élevée, une part trop importante de leur revenu n'est pas assurée dans la prévoyance professionnelle. Je ferai tout mon possible pour que les mesures proposées par le Conseil fédéral à cet égard soient effectivement mises en œuvre dans la révision de la LPP.

Ne nous leurrons pas : nous devons également garder un œil sur l'AVS. Avec cette première étape, AVS 21, nous donnerons à notre système de sécurité sociale un répit de quelques années. Mais nous n'aurons d'autre choix que de clarifier certaines questions fondamentales dans le cadre d'une réforme structurelle. Par exemple, l'introduction d'une rente AVS indépendante de l'état civil et l’élimination des privilèges précités pour les couples mariés. Nul doute que ces mesures vont donner lieu à une vive controverse. Mais surtout, comme nous l'avons mentionné au début, le vieillissement de la population entraînera bientôt un déficit de financement encore plus important, qu'il nous faudra combler à temps. Toutefois, puisque la situation financière de l'AVS est déjà grave et que le temps presse, il serait judicieux de ne pas avoir ces discussions en ce moment même. Avant 2030, nous devrons discuter de ces questions structurelles – dans la ligne de ce que proposent les Jeunes Libéraux-Radicaux Suisses avec leur initiative sur les rentes, à savoir une adaptation progressive de l'âge de la retraite pour les hommes et les femmes aux nouvelles réalités démographiques. Pour réformer notre système de prévoyance vieillesse, nous devons avancer pas à pas, un rythme propre à la Suisse. Il est gratifiant de constater que nous nous dirigeons déjà dans la bonne direction avec le projet AVS 21.

Damian Müller, conseiller aux États LU

Damian Müller