« Je veux maintenir le niveau actuel de l’AVS – mais une extension des prestations n’est pas une option ! »

Vous avez été en première ligne de la Commission du Conseil des États qui a travaillé sur le projet actuel de révision de l'AVS et vous défendez l'urgence de la réforme dans le débat. Pourquoi est-ce si urgent ?

L'AVS se trouve dans les chiffres rouges depuis longtemps. La situation va encore s’aggraver de façon dramatique entre 2020 et 2035, en raison du départ à la retraite des baby-boomers. Nous fonçons tête baissée vers des milliards de déficits. Je veux sauver les rentes AVS, et je veux maintenir leur niveau actuel. La seule façon d’y parvenir, c’est de faire dès maintenant un premier pas vers une stabilisation. Attendre les bras croisés n’est pas une option.

Vous proposez que les femmes disposant d’un faible revenu, qui sont particulièrement touchées par le relèvement de l'âge de la retraite, perçoivent une rente plus élevée si elles continuent à travailler jusqu'au nouvel âge de la retraite. Cette demande n’a toutefois pas obtenu de majorité en commission – Êtes-vous déçu ?

Une réforme de l'AVS qui n’est ni équitable, ni socialement acceptable échouera devant le peuple. C'est la raison pour laquelle j’avais la volonté de proposer une offre équitable aux femmes qui partent bientôt à la retraite. Après tout, nous nous immisçons dans la planification de leur vie personnelle. Parmi les femmes particulièrement touchées, celles qui ont une rente plus modeste devraient bénéficier d’une aide forfaitaire plus importante. Je suis déçu que les autres partis bourgeois n’aient pas soutenu cette proposition.

Les membres de la Commission de la sécurité sociale issus du « Centre » ont, avec l'UDC, fait échouer cette proposition et ont, en contrepartie, voté l'augmentation du plafond pour les couples mariés. C'est hors de question pour vous. Pourquoi ?

Parce que nous ne poursuivons qu'un seul objectif à travers ce projet : sécuriser le financement des rentes. L’heure n’est pas à l’extension des prestations ! Mais c'est précisément ce que le « Centre » essaie de faire. Le résultat est que l'on est avares avec les femmes des années transitoires, mais que l'on veut en même temps augmenter la rente maximale des couples mariés. Il ne s'agit pas seulement d'un dilemme sociopolitique, c’est un anéantissement des économies réalisées dans le cadre de cette réforme : on dépense pratiquement le même montant que celui économisé en augmentant l'âge de la retraite des femmes. Une femme célibataire travaillant dans la vente doit donc travailler un an de plus pour que les pensions des couples mariés, qui sont déjà mieux lotis, puissent être augmentées. Personne ne comprendrait ça !

Cependant, le président du « Centre », Gerhard Pfister, veut à tout prix faire passer l'augmentation du plafond de 150 à 155%, si nécessaire au moyen d’un référendum. Il parle de discrimination à l'encontre des couples mariés. Que répondez-vous à cela ?

La rente maximale pour les couples mariés n'est en effet qu'une fois et demie le montant de la pension d'un célibataire, et non le double. Cependant, les couples mariés profitent largement du système actuel : les personnes mariées bénéficient de privilèges dans le cadre de l'AVS, comme les rentes de veuve. Dans l'ensemble, les couples mariés sont déjà mieux lotis que les célibataires. Le Conseil fédéral ne laisse aucun doute à ce sujet. Il parle du « bonus de mariage » pour les couples mariés dans l'AVS. Et il a raison.

La Commission a fixé les mesures de compensation pour les femmes à partir de 65 ans à 340 millions par an, sur six années transitoires. Le président du « Centre » considère, quant à lui, 700 millions comme le minimum, sur une durée de neuf ans. Que pensez-vous de cette demande ?

La demande du « Centre » a été rendue publique à travers les médias par Gerhard Pfister. Mais ce sont surtout ses conseillers aux États qui ont aidé une variante prévoyant la moitié des prestations, c'est-à-dire les 340 millions précités, à s’imposer au sein de la Commission.

L'Union syndicale suisse est catégorique : « Pas touche aux rentes des femmes ! ». En quelques jours seulement, plus de 300’000 signatures ont été récoltées en ligne pour cette cause. Cela doit vous donner matière à réflexion.

Lorsqu'il s'agit de l'AVS, la gauche, tout comme le « Centre », ont toujours le réflexe de s’opposer catégoriquement au changement. Tandis que le « Centre » entonne le mantra des couples mariés défavorisés, la gauche s'oppose à l’harmonisation de l'âge de la retraite pour les femmes et les hommes. En insistant sur leurs positions, ils ont finalement poussé l'AVS dans cette situation financière catastrophique. Nous devons à la population d’agir maintenant, afin de sauver les rentes AVS.

En ce qui concerne une éventuelle augmentation généralisée de l'âge de la retraite, la gauche affirme que les travailleuses et les travailleurs âgés ont déjà du mal sur le marché du travail. Voyez-vous les choses différemment ?

Une augmentation généralisée de l'âge de la retraite n'est pas soumise à discussion aujourd'hui. Par ailleurs, il est faux de dire que les employés plus âgés perdent leur emploi plus fréquemment que les plus jeunes. Ce qui est vrai, cependant, c'est que s’ils perdent leur emploi, il leur faut plus de temps que les jeunes pour en trouver un nouveau. Et tous n’y parviennent effectivement pas. C'est précisément pour ces personnes, que nous avons – grâce au PLR – mis en place les prestations transitoires afin de garantir leurs moyens de subsistance.

Les organisations féminines affirment que les femmes qui travaillent à temps partiel sont désavantagées en matière de prévoyance professionnelle. Quelle est votre position à ce sujet ?

Je partage ce point de vue. Si les femmes perçoivent en moyenne des prestations AVS légèrement supérieures à celles des hommes, elles sont moins bien loties dans la prévoyance professionnelle. Surtout si elles ont travaillé à un faible pourcentage. Il est donc également nécessaire d'agir dans le cadre du 2ème pilier. Mais ce n'est pas le sujet de la discussion actuelle sur l'AVS. Ces questions ne doivent pas être mélangées.

Et pourtant : la réforme de la LPP, qui s'attaque aux problèmes des caisses de pension, est également en cours. Cela implique des questions telles que la réduction de moitié du montant de coordination ou des mesures visant à compenser la baisse du taux de conversion. Quelles solutions envisagez-vous ?

La réduction de moitié du montant de coordination a pour but d'améliorer le capital vieillesse des travailleurs à temps partiel et des assurés à faibles revenus. En bref, cela signifie qu'une plus grande proportion du salaire sera assurée, ce qui conduira à de meilleures rentes. En réduisant les cotisations salariales des travailleurs âgés, le Conseil fédéral veut aussi améliorer leur compétitivité sur le marché du travail. Ces deux mesures sont judicieuses. Le taux de conversion minimal n'est plus réaliste, notamment en raison de l’augmentation de l’espérance de vie – le capital accumulé doit pouvoir couvrir une période inactive de plus en plus longue – et des taux d'intérêt négatifs. Il doit être baissé. Des mesures compensatoires appropriées seront par ailleurs indispensables afin de maintenir le niveau des rentes des travailleurs proches de l’âge de la retraite. Sinon, cette tentative de réforme échouera à nouveau – ce que je veux absolument éviter.

Interview publiée le 11 mars 2021 dans la Seetaler Bote


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Damian Müller